« Je ne sais pas » – Ma blessure. Ma Médecine
Le 28 avril dernier j’étais en regroupement de Gestalt. Je n’avais pas prévu de passer quand je comprends qu’il reste une place pour moi en fin de journée. Je suis prise au dépourvue. JE NE SAIS PAS de quoi je vais parler. Je m’assois en face de la thérapeute. Je pars de ce qui est là. Ce sujet très sensible chez moi « ne pas savoir ».
Ça fait peu de temps que j’ai réalisé que ne pas savoir génère en moi un peu de stress. Ce que je n’avais pas vu venir c’est que ce que j’appelais « un peu de stress » était en fait une angoisse immense. Ne pas savoir me met en panique.
Un moment très précis de mon enfance se réactive. J’ai environ 11-12 ans. Les parents sont partis voir des amis pas très loin pour quelques heures et nous laissent seuls mon frère et moi. Je suis assez grande pour les appeler s’il y a un problème. En partant, ils me disent rentrer pour 18h.
L’après-midi se passe sans une ombre au tableau. Je suis fière d’avoir la responsabilité de mon petit frère.
À 18:00 les parents ne sont pas là. Je me poste devant la fenêtre du salon et guette l’arrivée de la voiture familiale. Un noeud énorme et douloureux me serre le ventre. J’ai du mal à respirer. Je commence à m’imaginer le pire : ils ont eu un accident de voiture, ils sont morts tous les 2, je deviens orpheline, je dois m’occuper de mon petit frère, on part vivre chez mes grands-parents, on quitte nos copains d’école… je vis tellement le scénario que je pleure à grosses larmes. J’ai envie de hurler mais je contiens ce cri qui pousse de toutes ses forces.
Je fais une crise d’angoisse sans le savoir.
Quand je vois enfin la voiture descendre la rue et se garer devant le garage je respire à nouveau. Les peurs s’évaporent. Je « reviens » à la réalité. Je recommence à vivre.
Cette scène s’est répétée plusieurs fois.
J’aurai pu leur demander de m’appeler pour prévenir qu’ils auraient du retard et arrêter le supplice. Mais je n’en faisais rien. Et je replongeais à chaque fois dans ma crise d’angoisse en oubliant que le scénario le plus probable était qu’ils avaient du retard.
J’ai beaucoup de tendresse et de tristesse pour cette petite fille qui a affronté sa panique toute seule.
Plus grande puis adulte je me revois vivre ces moments de paniques intérieurs que ce soit pour les résultats de mes interrogations écrites, de mes concours ou encore lors de rendus de gros projets quand je ne savais pas si les résultats allaient être au rdv.
Un peu stressée… que nenni j’angoissais grave mais j’avais tellement appris à me contenir que ça passait effectivement pour du stress.
Ne pas savoir me renvoie à ne pas avoir la main, à ne pas avoir le contrôle… le comble de l’angoisse.
Pourtant depuis 2 ans j’apprends à traverser cette angoisse du « je ne sais pas » : je ne sais pas ce que je vais faire de ma vie, je ne sais pas où je veux habiter, je ne sais pas quand je te revois, je ne sais pas quand ça va arriver…
J’ai beaucoup appris.
J’ai appris à dire que ne pas savoir m’angoissait ce qui a ouvert des espaces de possibles magnifiques.
J’ai appris que quand je reste au présent et que mon super scénariste catastrophe intérieur est en sourdine tout va bien.
J’ai appris que quand je me mets en action je me rebranche à la matière, au tangible je retrouve confiance dans mon efficacité et ma capacité à trouver des solutions et des bifurcations possibles.
J’ai appris que peut-être ça peut mal se passer ET que peut-être ça peut bien se passer.
J’ai appris à plonger dans l’inconnu plus sereinement.
Certains « je ne sais pas » ont trouvé des réponses depuis 2 ans. Et tout est bien mieux que ce que tout ce j’aurai pu imaginer.
Certains sont encore au stade de « je ne sais pas ». Et c’est beaucoup plus tranquille.
J’ai une immense gratitude pour cette blessure.
Aujourd’hui je sais en prendre soin.
Aujourd’hui je vois la force que me demande de dévoiler ma vulnérabilité à cet endroit.
Aujourd’hui je sais traverser.
Aujourd’hui je me sens légitime pour accompagner d’autre angoissés du « je ne sais pas » à plonger et traverser.
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